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Être Norvégien: être ou ne pas être...

J’ai des amis norvégiens. Ils sont vraiment très bien et ne parlent pas constamment de leurs origines. Tout le contraire du personnage féminin d’Être Norvégien de David Greig que l’on peut voir à La Licorne. Présentée à 17h30, la pièce s’accompagne d’une bière et de boulettes suédoises dans un cadre convivial et chaleureux inspiré du concept A play, a pie and a pint d’abord popularisé à Édinbourg en Écosse.

 

J’aime beaucoup le théâtre de David Greig, que ce soit le délicieux Midsommer ou le plus sombre mais diablement efficace Yellow Moon. Le dramaturge écossais nous propose constamment une vision de l’humanité où se côtoient un pessimisme bien contemporain et un idéal quasi jubilatoire. Les deux ne s’excluent pas, et les pièces de cet auteur font en sorte de nous redonner foi en l’humanité, même si on a parfois tendance à douter de tout.

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La pièce, qui dure 45 minutes, ne perd pas de temps : une rencontre dans un bar amène une jeune femme, Lisa (Marie-Laurence Moreau) chez un type, Sean, (Steve Laplante) qu’elle trouve  manifestement attirant et devant qui elle sort toute son artillerie de séduction. La grande révélation c’est qu’elle est norvégienne et elle va tout ramener à cela, ce qui est un peu bizarre, comme si être norvégienne colorait absolument tout : la perception que les gens ont d’elle et le regard qu’elle pose sur le monde extérieur. L’homme en face d’elle est manifestement déstabilisé par cette lubie. Mais son malaise va au-delà de cela : il vient de déménager, son petit appartement est encombré de boîtes et il tente de remettre sur ses rails une vie qui a dérapé au cours des dernières années.

 

Que fait-on lorsqu’on est un gars ordinaire et qu’on est en face d’une femme qui manifeste une tendance au lyrisme? On répond avec des évidences et des clichés. Plus elle veut le séduire, plus il se sauve en courant. Métaphoriquement. Le résultat est charmant et étonnamment plein de fraîcheur. Même si Sean est un être torturé, et Steve Laplante excelle dans ce genre de rôle, il ne pourra pas résister à la candeur remplie de certitudes de Lisa, une Marie-Laurence Moreau lumineuse et complètement crédible en beauté blonde norvégienne. La traduction rythmée et la mise en scène sobre de Marc-André Thibault soulignent la simplicité qui couve sous des prémisses qui semblent compliquées et qui ne le sont pas tant que ça au fond.

 

On sort du théâtre le cœur léger. On n’a pas vu de drames affreux ou de tragédies se terminant dans un bain de sang. On a assisté à des échanges parfois drôles, parfois un petit peu tristes, entre deux humains qui ont réussi, malgré leurs différences, à se comprendre. Ce n’est pas le bonheur sans mélange, mais c’est certainement un assoupissement du malheur. Et ça fait du bien à l’âme.

 

Marie-Claire Girard

 

Crédit photo : Maryse Boyce

Être Norvégien : Une production du Théâtre Bistouri, à La Licorne jusqu’au 25 octobre 2019.



10/10/2019
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