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Faire la leçon de Rébecca Déraspe: il faudrait aller plus loin

Faire la leçon de Rébecca Déraspe, une production du Théâtre I.N.K présentée aux Écuries, est au départ une excellente idée : laisser la parole à des enseignants, ces capitaines d’un navire appelé connaissance et dont le but primordial est de se retenir d’étrangler les élèves. Ou du moins certains d’entre eux.

 

Pour avoir connu de l’intérieur cette noble profession, je peux dire que tout ce qui est décrit et tout ce dont on parle dans la pièce sonne terriblement juste. J’ai eu l’impression de revenir en arrière dans cette autre vie où le quotidien rempli d’idéaux était trop souvent handicapé par des considérations administratives ou par la crainte de s’aliéner une population étudiante de plus en plus diversifiée et pour qui les blagues concernant nos ancêtres les Gaulois ne s’appliquaient vraiment plus.

 

Quatre comédiens, Solo Fugère, Xavier Malo, Marilyn Perreault et Klevi Thienpont incarnent ces professeurs surmenés qui gèrent leur stress avec plus ou moins d’efficacité. Étienne, Simon, Mireille et Camille enseignent l’Anglais, les Sciences, le Français et le cours Éthique et culture. Ils nous font part des craintes qui les habitent : ne pas savoir la réponse à une question, mal expliquer une idée ou un concept, ne pas se sentir bon, ne pas être aimé. Je sais. C’est exactement cela.

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Et ils sont plutôt attachants, ces profs. Sauf Camille, la porte-parole du politically correct qui est carrément irritante. Il y en a toujours un ou une comme ça dans une école. Mais au-delà de ces portraits brossés avec soin et perspicacité, cette pièce m’a laissée perplexe. La salle des profs se trouve dans le gymnase, on se doute qu’il y a des problèmes d’espace dans cette école, mais il n’y a aucune explication qui soit donnée. Une photocopieuse fait quelques apparitions mais n’est en rien utile ou pertinente pour quoi que ce soit qui ait un rapport avec un ressort dramatique. Et le Théâtre I.N.K. dont c’est la marque de commerce, met l’accent sur une mise en scène, celle d’Annie Ranger en l’occurrence, très physique parfois mais bien sage à d’autres moments, où les comédiens gesticulent et s’agitent en même temps qu’ils disent leur texte, ce qui déplace notre attention du propos vers cette gestuelle qui n’a vraiment pas de lien, ou alors très peu, avec le discours et qui n’y ajoute rien.

 

Les moments les plus efficaces sont ceux où Mireille et Simon se confient, des moments où l’émotion fait surface et où on n’est pas distrait par des sparages dont, franchement, je n’ai pas vu l’utilité. Ceci dit, le texte de Rébecca Déraspe, que j’aime d’amour, m’a semblé inabouti, inachevé. Ça ne va beaucoup plus loin que l’anecdote, ce qui est dommage car il y a dans ce thème de l’éducation un terreau riche peu exploité dans notre théâtre.

 

Les enseignants ont une immense responsabilité face à leurs élèves et face à la société. Ils ne peuvent pas tout faire, ils sont épuisés, manquent de ressources et perdent souvent le feu sacré qui les animait en début de carrière. Faire la leçon veut nous montrer cette réalité occultée mais échoue à lui donner un impact puissant et un relief qui aurait fait de cette pièce la ventriloque de tous ces professeurs dont on n’entend pas suffisamment la voix.

 

Marie-Claire Girard

 

 

Crédit photo : Eugène Holtz

 

Faire la leçon : une production du Théâtre I.N.K, aux Écuries jusqu’au 29 novembre 2019

 



14/11/2019
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