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Le poids des fourmis de David Paquet: comment sauver le monde

David Paquet n’en finit pas de nous surprendre. Après Le brasier en 2016, c’est dans la petite salle Fred-Barry du Théâtre Denise-Pelletier avec Le poids des fourmis qu’il nous étonne et nous fascine cette fois-ci. La pièce reprend des thèmes connus mais traités de façon résolument originale avec comme résultat une comédie rugueuse calibrée au quart de tour et remplie de personnages colorés.

 

Dans une école secondaire, le directeur (qui s’en fout éperdument) annonce la tenue de La semaine du futur, semaine où il ne se passe pas grand-chose, faute de budget, et qui se terminera par l’élection du président ou de la présidente de l’école. Pendant ce temps une étudiante, Jeanne Croteau (Élisabeth Smith, sombre et lumineuse), qui possède une maturité bien au-delà de son âge, vandalise une publicité de shampoing dans les toilettes de l’école, révoltée de constater que même les établissements d’enseignement ne sont pas à l’abri des discours voulant faire entrer les jeunes filles dans le moule de la société de consommation.

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Comme punition, le directeur (Gaétan Nadeau) la force à se présenter à la présidence et il fera la même chose avec Olivier (Gabriel Szabo), un angoissé climatique. Lors d’une visite dans une librairie, la vendeuse (Nathalie Claude) refile à Olivier L’encyclopédie du savoir inutile  dont il se servira pour convaincre les étudiants de voter pour lui. Ça ne marchera pas tellement bien, cette élection, ni pour Jeanne ni pour Olivier, c’est Mike qui sera élu président parce qu’il a promis de la poutine pour tout le monde; Jeanne et Olivier se découvriront des choses en commun, dont le fait de rêver qu’ils reçoivent en cadeau la terre morte, et élaboreront des plans afin de pouvoir vivre dans un univers où ils ne seraient pas (trop) inquiets.

 

 

Parlons de l’extraordinaire scénographie d’Odile Gamache. Dans un espace somme toute restreint, il y a une plate-forme où on retrouve un palmier, diverses bébelles dont des sacs de chips ouverts et deux fauteuils où sont assis Gaétan Nadeau et Nathalie Claude qui vont endosser divers rôles. Ils sont vêtus de chemises hawaïennes et portent aux pieds des crocs de couleur pastel. Autour de la plate-forme un espace creux rempli de boules grises, style boules Ikea; cet accessoire, car il en s’agit d’un, va remplir les fonctions les plus étonnantes tout au long du spectacle. Les costumes fous sont d’Étienne René-Contant et les excellents éclairages de Cédric Delorme-Bouchard. Avec la conception sonore de Christophe Lamarche, on se rend compte du travail de tout ce beau mondfe, et d’une équipe qui a pris manifestement beaucoup de plaisir à construire ce moment de théâtre pour en faire un ensemble harmonieux où le texte de David Paquet est appuyé et magnifié par tout ce qui l’entoure. Ajoutons que la mise en scène de Philippe Cyr est dynamique à souhait et que les comédiens sont admirablement dirigés, nous permettant d’apprécier le registre comique de Gabriel Szabo qui est irrésistible (comme toujours, je dirais), la présence forte et la justesse d’Élisabeth Smith, une jeune comédienne pleine de promesses, la solidité d’un Gaétan Nadeau, impeccable en vieux bougon qui cache soigneusement une âme tendre et la divine Nathalie Claude, impayable et formidable en ado débile, en libraire déjantée, en mère bonasse etc. Car tout ça est très drôle, c’est une tragédie hilarante que nous propose David Paquet qui réussit ici un dosage parfait : nous faire rire et nous faire penser.

 

Le poids des fourmis c’est un texte et une mise en scène délicieusement fantasques avec un message à la fois anxieux et optimiste. Lorsque tout semble s’écrouler autour de nous, essayons de trouver de la bonté et de l’humanité, un peu de bienveillance même chez ceux qui semblent en avoir le moins. Et vous savez quoi? Ça marche. Des fois.

 

Crédit photo : Yanick Macdonald

 

Le poids des fourmis : une production du Théâtre Bluff, à la salle Fred-Barry du Théâtre Denise-Pelletier, jusqu’au 7 décembre 2019. Il y aura une supplémentaire le 5 décembre à 19h30.



21/11/2019
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